Résumé de thèse
Pics, cailloux, potelets, grilles, pentes, agencements végétalisés, assises individuelles ou individualisées… Et si l’aménagement de l’espace public et la conception architecturale favorisaient l’exclusion et la peur de l’autre selon un double régime d’esthétique et de convivialité ; de sécurité et de défense par la production d’espaces (in)hospitaliers et l’implantation de dispositifs spatiaux hostiles ? Avec ce travail de thèse, nous aimerions faire l’hypothèse que la ville, en voulant chasser l’indésirable produit dans le même temps de l’indésirabilité. Notre analyse critique porte sur le design urbain comme possibilité d’une convivialité excluante et marginalisante. Nous souhaitons proposer un questionnement sur le design urbain à Paris en prenant comme point de départ les grands travaux d’Haussmann dès 1853. Effectivement, nous pensons que cette date clé a modifié en profondeur l’organisation urbaine de cette ville, avec entre autres l’arrivée du courant hygiéniste, compris comme la spécification et la distribution des pratiques sociales en lien avec les pratiques spatiales. En effet, nous aimerions, avec le design urbain comme outil d’analyse critique de la ville, proposer un questionnement sur l’accueil et l’hospitalité des un·e·s comme forme d’invisibilisation des autres au sein de l’espace public. Ce travail de recherche souhaite poursuivre et approfondir les réflexions menées sur les liens entre les évolutions des espaces publics et la régulation des personnes dites marginales, ou marginalisées. Pour ce faire, l’accent est porté sur l’échelle micro du territoire et des relations sociales en se concentrant essentiellement sur les espaces publics que l’on peut qualifier comme des espaces quotidiens, ordinaires, de proximité, voire banals. Il est question d’interroger les rapports de pouvoir à l’oeuvre dans la quotidienneté des usagers et des usagères de la ville par le prisme du design urbain, de l’aménagement de l’espace, de l’architecture, en requestionnant de manière critique la dialectique discipline/sécurité théorisée par Michel Foucault.
Or, si le pouvoir semble assigner des places et des trajectoires aux plus démuni·e·s par le tri des comportements et la distribution des corps au sein de l’espace public, il nous faudra aussi regarder les actes de résistance, perçus comme des ruses, des stratagèmes et des détournements des dispositifs spatiaux de pouvoir urbains. Ces espaces seront envisagés comme des situations où peuvent se concrétiser des « manières de faire » autrement, des « espaces des possibles » pour des subjectivités marginalisées, nomades, déterritorialisées. Cette réflexion nous fait dire que de l’inhospitalité urbaine et de l’hostilité spatiale, induites par un design urbain hostile, naissent des « marginalités créatives » qui permettent de repenser les rapports de force et de recréer de nouveaux espaces d’accueil et accueillants, d’inclusion et inclusifs, d’hospitalité et hospitaliers.
Spikes, rocks, bollards, grids, slopes, planted arrangements, individual or individualized seating… What if the planning of public space and architectural design fostered exclusion and fear of the other according to a dual regime of aesthetics and conviviality ; security and defense, through the production of (in)hospitality spaces and the implantation of hostile spatial devices? With this doctoral research project, we would like to hypothesize that the city, in its attempt to chase away the undesirable, simultaneously produces undesirability. Our critical analysis focuses on urban design as a possibility for excluding and marginalizing conviviality. Our aim is to question urban design in Paris, taking as our starting point Haussmann’s major works of 1853. We believe that this key date profoundly altered the city’s urban organization, with the arrival of the hygienist movement, understood as the specification and distribution of social practices in relation to spatial practices. Indeed, using urban design as a tool for critical analysis of the city, we’d like to question the welcome and hospitality of some as a form of invisibilization of others in public space. The aim of this research project is to pursue and deepen our reflections on the links between changes in public spaces and the regulation of so-called marginalized people. To this end, the focus is on the micro-scale of territory and social relations, concentrating essentially on public spaces that can be described as everyday, ordinary, local or even banal. The aim is to examine the power relationships at work in the daily lives of city users, through the prism of urban design, spatial planning and architecture, and to critically re-examine the discipline/security dialectic theorized by Michel Foucault.
While power seems to assign places and trajectories to the most disadvantaged by sorting behavior and distributing bodies within public space, we will also be looking at acts of resistance, perceived as ruses, stratagems and detour of the spatial devices of urban power. These spaces will be seen as situations in which different «ways of doing things» can take shape, «spaces of possibility» for marginalized, nomadic, deterritorialized subjectivities. This reflection suggests that urban inhospitality and spatial hostility, induced by hostile urban design, give rise to «creative marginalities» that enable us to rethink power relations and recreate new spaces welcoming, inclusive and hospitable.
Direction de thèse
- Manola Antonioli, Laboratoire Architecture/Anthropologie (LAA) - Laboratoire Architecture, Ville, Urbanisme, Environnement (LAVUE) 7218 CNRS
Biographie
Soutenance de thèse
École Nationale Supérieure d’Architecture de Paris la Villette, 23 rue des Ardennes, 75019, Paris, Laboratoire Architecture/Anthropologie, Salle des soutenances, 14 décembre 2023, à 14h
Composition du jury
- Éric Le Coguiec, (président) Université de Liège
- Catherine Deschamps, (rapporteure) ENSA Paris la Villette
- Luc Gwiazdzinski, (rapporteur) ENSA Toulouse
- Thibaut Besozzi, (examinateur) Université de Lorraine
- Florence Bouillon, (examinatrice) Université Paris 8 Vincennes–Saint-Denis
- Catherine Chomarat-Ruiz, (examinatrice) Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Publications
Joffrey Paillard, « Le design urbain : un dispositif disciplinaire et sécuritaire “interstitiel” ? », Sciences du Design [en ligne], https://www.cairn.info/revue-sciences-du-design-2023-1-page-38.htm?wt.mc_id=crn-mel-a749457&u=56570030-9eab-4784-8b21-370f38d00e1e&wt.tsrc=email, juillet 2023, Designs urbains et territoires, n°17, pp.38-62.
Joffrey Paillard, « Le dispositif-design : quand la technique devient disciplinaire », Appareil [en ligne], https://journals.openedition.org/appareil/6156, 25 | 2023, mis en ligne le 06 février 2023.
Florian Bulou Fezard et Joffrey Paillard, « L’inconscient disciplinaire : architecture et design d’espace », In-Between : hybridation des pratiques artistiques et nouveaux formats de la recherche, Éditions Loco, 2022 (https://hal.science/hal-04042002)