Résumé de thèse
De nombreuses études ont démontré la nature construite et située des connaissances scientifiques. Ce constat s’est accentué avec le développement des technosciences, nouvelle condition d’élaboration du savoir scientifique où techniques et sciences ne sont plus séparables. Dans ce contexte, les pratiques des chercheurs ne s’occupent plus seulement de l’observation et l’analyse du réel, mais de sa fabrication. Or, les objets qui sortent des laboratoires et les techniques qui servent à les élaborer ne sont pas éthiquement et socialement neutres. Par conséquent, une réflexion sur la culture matérielle des sciences, depuis les formats et les formes de la recherche doit être engagée. En quoi le design, comme mise en forme de notre environnement, peut-il participer d’une réflexivité de la culture matérielle de la recherche scientifique ? Comment peut-il l’influencer, et quels enjeux cette situation soulève-t-elle ? Nous avons exploré ces questions au travers d’approche de recherche-création en design et d’une observation participante en nous intégrant dans une équipe de chercheurs académiques en sciences de l’ingénierie qui élaborent des dispositifs et des procédés d’interface entre des artefacts technologiques et des cellules ou des tissus vivants. Nous avons interrogé la culture matérielle scientifique de ces « ingénieurs du vivant » avec un double prisme : celui des bio-objets produits en laboratoire, et celui des formats de mise en visibilité des sciences en train de se faire. Dans ce contexte, nous avons élaboré un « médium dialogique », sorte de glossaire numérique et contributif appelé Codex, qui met en débat au sein de la communauté des chercheurs le vocabulaire et les néologismes propres à la bio-impression 3D et à ses applications dans le domaine des « organes sur puce ». Par ailleurs, nous avons construit une archive en science ouverte autour des architectures internes des squelettes de coraux, rendues visibles à l’aide de la tomographie à rayons X. Une expérience numérique multimédia en ligne intitulée Corallum fabrica met à disposition de différents publics les données, modèles et visualisations 3D des squelettes coralliens de 42 spécimens. Enfin, nous avons mené une étude d’ordre épistémologique par la création d’un podcast dédié à l’ouvrage Vampyroteuthis infernalis de Vilém Flusser et de Louis Bec. De ces études, nous avons tiré une typologie de connaissances propres à la recherche en design : les savoirs sensibles. Nous avons également esquissé un rôle pour la recherche en design comme médecine de l’imaginaire au sein des « sciences des ruines ».
Direction de thèse
- Christophe Vieu, Université de Toulouse, LAAS-CNRS
- Anthony Masure, Directeur de la Recherche, la HEAD Genève